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Ubloo (partie 3)

Partie 1
Partie 2
Partie 4
Partie 4.5
Partie 5
Partie 6


J’observais les lignes blanches disparaître l'une après l'autre sous le capot de ma voiture en parcourant l’autoroute. Plus je les regardais, plus j'avais l'impression qu'elles ne formaient qu'une seule et même ligne floue plongée dans un océan de bitume, et alors il fallait que je tourne le regard pour qu’elles soient à nouveau séparées.

J’ai tendu le bras vers le siège passager pour attraper ma bouteille de gin. C’est triste de voir à quel point je suis devenu doué pour tirer le bouchon d’une main pendant que l'autre tient le volant. J’en ai pris une grosse gorgée pour finir la bouteille, puis je l’ai balancée à travers la vitre côté conducteur avant d'entendre le bruit satisfaisant des éclats de verre.

« Ça ne pouvait être qu'un micro sommeil », me répétais-je sans cesse. Je ne sais pas si je commençais à perdre la raison, ou si j’avais déjà trop bu pour ce midi et que je divaguais ; mais j'avais en quelque sorte ce besoin de rationaliser le fait que j'avais vu Ubloo sans l'entendre pousser son cri.

Au final, j’ai attribué ça à des hallucinations causées par le manque de sommeil, et je me suis dit que j’essayerais d’avoir au moins 5 bonnes heures de sommeil cette nuit. Ces dernières semaines, je tournais autour de 4 heures de sommeil ou plutôt, je dormais aussi longtemps que mon corps parvenait à supporter ces terrifiants cauchemars.

En regardant dans mon rétroviseur, j’ai jeté un œil à la boîte qui contenait les affaires de Robert Jennings. Aujourd’hui, j'allais enfin savoir de quoi le livre parlait. Je ne pourrais vous dire combien de temps j’ai passé à comparer cette écriture aux dizaines d'extraits de langues diverses que je stockais sur mon ordinateur, et ce n’est qu’après un incroyable coup de chance que j’ai compris ce que c'était réellement.

Je m’étais posé au bar d’un hôtel en Pennsylvanie lorsqu’un homme était venu s'asseoir près de moi. On a discuté quelques minutes, mais je crois qu'il n'était pas rassuré par mon apparence plus que négligée. Finalement, on buvait dans le calme, quand il a soudain brisé le silence.

« Vous savez lire cette merde ? » a-t-il dit tout sauf gracieusement.

« Malheureusement non », soupirais-je. « En fait, pour être honnête, j'essaye d'identifier de quelle langue il s'agit. » 
« Oh. » Il a regardé sa bière en grattant l'étiquette. « Ça vous embête si je je regarde un peu ? »

« Non bien sûr, mais faites attention, d'accord ? » J’ai fait glisser le livre vers lui avec précaution. Il l'a ouvert et a feuilleté les premières pages.

« Eh bien, ce que je peux vous dire, » a-t-il commencé, « c'est que c'est une sorte d'écriture africaine. ».

Mes oreilles se sont dressées en entendant cela.
« Africaine ? » j'ai demandé, plein d'espoir.

« Ouais. J’ai été gardien de nuit au musée d’histoire naturelle à New York, et je suis presque sûr d'avoir vu une connerie du genre là-bas."

Je n’ai même pas pris le temps de remercier l’homme. Je lui ai pris le livre des mains, et j’ai foncé jusqu’à ma chambre d’hôtel pour me mettre au boulot. J’ai dû écrire pas loi de 500 e-mails cette nuit-là, avec un petit extrait du livre en pièce jointe, et j'envoyais ça à tous les professeurs d’histoire Africaine, conservateurs de musée et traducteurs de langues africaines dont j’avais pu trouver l’adresse.

C’est comme ça que j’ai rencontré Eli.

Eli était un professeur d’histoire Africaine à la retraite vivant à Natchez dans le Mississippi. L’e-mail qu’il m’a renvoyé m'avait paru un peu surprenant, mais c'était surtout excitant. Il m’a expliqué que cet écrit que j'avais en ma possession était dans une langue quasiment éteinte, et qu'il avait appris à la traduire pour un professeur pendant sa thèse. Je lui ai dit que je lui offrirais n’importe quelle somme d’argent s’il acceptait de m’aider à traduire ce livre, mais seulement si je lui remettais en mains propres et qu'il le lisait directement. Je ne pouvais pas risquer de perdre le livre à cause de la poste, et en plus, Natchez était pile sur ma route pour rejoindre la maison en Louisiane.
J’avais fini de lire le journal de Robert depuis 2 semaines. Il retranscrivait tous ses rêves, le poids terrible du fardeau qu'il portait, et les conséquences sur sa vie familiale. 
Un épisode a retenu mon attention plus que les autres. Robert était parti toquer à la porte de l’un de ses locataires, n'ayant plus de nouvelles de lui (ou ne recevant plus de loyer) depuis un moment. La porte était ouverte, alors il avait fini par entrer. Le locataire gisait dans la baignoire, les poignets ouverts. Apparemment, plusieurs de ses vieux jeans étaient étendus sur le sol de la salle de bains, et dans l’une des poches, Robert a trouvé une photo de la maison en Louisiane, son adresse écrite à la hâte au verso. Cependant, il ne faisait nulle part mention de l’endroit où il avait trouvé le livre.

Robert avait également émis une hypothèse sur les intentions exactes d'Ubloo. Il semblait croire qu’il s’agissait d’un esprit vengeur, se nourrissant de nos cauchemars ou de nos peurs. Disons-le, son journal ne m'a pas tant aidé que ça en fin de compte, ce n’était qu’un simple résumé de tout ce qu’il avait vécu durant ces 3 années passées avec cette malédiction.


Je suis sorti de mes pensées juste à temps pour l'entendre crier.

Il y a eu un gros fracas, et le choc a enfoncé mon pare-brise. Par réflexe, j'ai fait une embardée et j'ai perdu le contrôle de mon véhicule. La voiture a dévié de la route et a heurté les rails de sécurité, projetant la femme du capot, et la faisant traverser le paysage comme une vulgaire poupée de chiffons avant que sa trajectoire rencontre un arbre. J'ai alors entendu sa colonne vertébrale se briser sur le coup avec un « crac » résonnant.

Ma voiture a achevé sa course folle, et je l'ai entendu.

« OH MON DIEU ! MARY ! »

Un vieil homme était en train de courir vers la bande d'arrêt, là où la femme était étendue.

« MARY ! MON CŒUR, NON ! »

Il s’est agenouillé et a commencé à bercer sa tête dans ses bras. Les jambes de la femme étaient tordues d'une manière écœurante. Il s'est tourné et m'a regardé, toujours sous le choc, les jointures des doigts blanches à force de tenir le volant. Il m'a fallu un certain temps pour reprendre mes esprits et réaliser la gravité de la situation.

« RECULEZ ! JE SUIS DOCTEUR ! » ai-je crié en ouvrant la porte et en courant vers l'homme.

« Elle est MORTE idiot ! Tu l'as TUÉE ! » Le vieil homme sanglotait, la tête enfouie dans les cheveux de sa femme défunte.

Je me suis arrêté à mi-chemin entre la voiture et l’arbre. Ils avaient au moins 70 ans tous les deux. Un peu à côté de la route, j’ai remarqué une voiture. Ils avaient dû tomber en panne ou alors ils avaient eu une crevaison. Elle était probablement en train de me faire signe de m'arrêter quand je l'ai percutée, ou bien elle se tenait trop près de la voie.

« Je suis désolé, j’ai… » ai-je balbutié en respirant avec peine. « Je ne faisais pas attention... »

« T’étais complètement bourré sale con ! » a-t-il crié. « Un alcoolo comme ton père ! C’est ce qui l’a tué, lui et ta mère ! »

J'étais décontenancé.

« Non, ce n’est pas vrai ! »

« Si ça l’est ! » Le vieil homme a tendu le bras derrière son dos, pour prendre un revolver. « Regarde ce que tu as fait, mon gars ! Tout est de ta faute ! »

Alors, il a armé son revolver, l'a mis dans sa bouche, et j'ai vu sa tête éclater dans une explosion de couleurs.

Je suis resté là, sous le choc, à écouter le silence qui remplissait maintenant l’atmosphère. Je me suis gratté la tête, puis j’ai dévisagé l’homme et la femme. Comment j'allais me sortir de cette putain d'histoire ? Je me suis encore gratté la tête, quel moment étrange pour avoir des démangeaisons.

Puis j'ai senti mes poils se hérisser. Je me suis retourné, surpris et apeuré. Il était là, sa longue trompe repliée vers lui, et son interminable langue noire pendante. Il m'a fixé avec ses horribles yeux d'un noir d'encre. Ils étaient tellement noirs que je pouvais voir mon reflet dedans, mon reflet figé par la peur. Il se balançait sur ses jambes d'avant en arrière, presque gracieusement. Il a légèrement penché sa tête sur le côté pendant une fraction de seconde, et je l'ai entendu.

« Ubloo ! »


Je me suis réveillé avec une grosse bouffée d'air chaud. Je reprenais lentement conscience de ce qui m'entourait. Je m’étais arrêté sur une aire de repos juste à côté de Natchez pour me soulager et prendre un café. J’avais dû m’endormir dans la voiture.

« PUTAIN ! » J’ai donné un coup sur le volant.

J’avais dû faire au moins 50 rêves avec cette chose et elle parvenait toujours à me prendre au dépourvu. J’ai fouillé dans la boîte à gants pour en sortir de l'Adderall . J’en ai jeté deux comprimés dans ma bouche et me suis forcé à les avaler avec une gorgée de gin.

Je suis resté immobile un moment, la tête contre le volant, chassant toutes mes pensées, puis j’ai tourné la clé pour démarrer la voiture et quitter la place de parking de l’aire de repos.

J'en ai eu pour encore une demi-heure pour me rendre là où Eli vivait. Sa maison était grande, et ancienne à première vue. Son allée était bien plus longue que ce à quoi j’étais habitué. Le terrain autour de sa maison semblait s'étendre à l'infini. Je suppose que la vie urbaine m'avait conduit à trouver un lieu comme celui-ci complètement surnaturel.

J’ai continué jusqu'à me trouver devant la maison, puis il est sorti et m'a salué de la main. Il m’attendait, je l'avais appelé deux minutes avant d'arriver. Il était aussi grand que moi, mais beaucoup plus vieux, il devait avoir la soixantaine. Il avait un crâne parsemé de cheveux blancs ainsi qu’une barbiche assortie. Sa peau était ridée et il avait une paire de lunettes à moitié cassées posée sur le nez.

Il a allumé une cigarette pendant que je sortais de la voiture et me dégourdissais les jambes.

« Bonjour Docteur », a-t-il dit depuis le perron. « Je dois avouer que ça fait une éternité que j'attendais votre livre. Il est dur de trouver quoi que ce soit qui n'ait pas déjà été trouvé, et si vous me confiez ce travail, eh bien, je pense qu'on fera la paire. »

Il parlait avec un accent du Mississippi très prononcé, mais tout de même compréhensible. Il m'a scruté quelques secondes avant de parler à nouveau.

« Ça alors, vous avez sale mine docteur. Longue route ? » s'est-il renseigné d'un ton sincère.

« Juste une mauvaise nuit. »

Je n"ai pas pu m'empêcher de sourire. J'ai ouvert la portière arrière de ma voiture et j'ai sorti le livre de sa boîte. J'ai fermé la porte et examiné une dernière fois la couverture en marchant vers Eli.

« Le voilà », lui ai-je dit en tendant le livre.

Eli a pris le livre dans ses mains en remontant ses lunettes pour mieux voir. Il a plissé les yeux pour bien voir la couverture malgré la lumière du soleil pendant quelques secondes avant que je n'aperçoive ses yeux s’élargir et sa bouche s'ouvrir lentement.

« Docteur. » a-t-il dit d'un air grave. « Où l'avez-vous trouvé ? »

« Un ami me l'a donné. » ai-je à moitié menti. « Pourquoi ? Quel est le titre ? »

Eli s'est retourné et m'a fixé un long moment, je pouvais presque voir les engrenages tourner dans sa tête en même temps qu'il commençait à comprendre pourquoi j'étais dans cet état.

« C'est un livre religieux. Écrit par un guérisseur de la tribu Binuma. » Sa voix tremblait d'émotion.

« Un guérisseur ? » ai-je demandé, curieux. « Comme ceux qui pratiquent le vaudou ? »

« Oui, Docteur. » Eli s'est tourné vers moi. « Mais pas n'importe quel vaudou, la tribu Binuma, et plus spécifiquement ce sorcier, sont décrits dans le folklore Africain comme l'une des plus impitoyables de tous les temps. »

Nous sommes restés là un moment, devant sa maison, avec pour seule compagnie le bruit du vent.

« Eh bien, Docteur. Rentrons, et assurons-nous que ce n'est pas un faux avant de tirer des conclusions hâtives. »

Nous sommes rentrés ensemble et Eli m'a amené à son bureau. Il a commencé à examiner le livre, les textes, le papier, tout. Pendant qu'il faisait cela, il m'a demandé d’exécuter plusieurs tâches. Sortir des échantillons de ses classeurs, chercher des textes qu'il n'avait pas sur internet, lui amener du thé. Après environ deux heures de travail, il s'est assis dans son fauteuil et s'est tourné vers moi.

« Dieu vous bénisse, Docteur, c'est un original. »

J'étais fou de joie d'entendre ça. À vrai dire, je n'avais jamais envisagé la possibilité que ce livre soit un faux, et maintenant que j'étais à quelques minutes d'obtenir des réponses sur Ubloo, sur comment l'arrêter ou le tuer, c'était comme si un poids s'en allait de mes épaules.

« Du coup, vous savez quoi ? » a dit Eli. « J'ai une chambre d'amis à l'étage. Si vous n'avez nulle part où aller, vous pouvez rester ici et on pourra traduire ce livre en, oh, j'en sais rien,  trois jours ? »

Mon moral en a pris un coup.

« Je suis désolé Eli, mais c'est trop long. » Il a levé les yeux vers moi. « Je dois être reparti d'ici le coucher du soleil. »

Il avait l'air surpris, et à juste titre.

« Eh bien ! Vous avez l'air de ne pas avoir dormi depuis des jours ! Vous pouvez quand même vous permettre une nuit de repos ? »

« Je suis désolé, mais je n'ai pas le temps. » Je me suis levé pour reprendre le livre. « Je peux ? »

« Bien sûr Docteur, c'est le vôtre après tout. »

J'ai tourné les pages jusqu'au chapitre dont j'avais besoin.

« Plus maintenant, Eli. » ai-je dit en me rapprochant du texte que j'avais besoin de déchiffrer. « Une fois que je serai parti, ce livre sera à vous, faites-en ce que vous voulez. »

Je me suis finalement arrêté à la bonne page. Un dessin grossier d'Ubloo, entouré de textes, me fixait.

« S'il vous plait, c'est le texte qu'il me faut », lui ai-je dit avant qu'il ait le temps de demander quoi que ce soit.

Eli a regardé la page et l'a lue en silence, et je pouvais voir qu'il comprenait. Quand il a fini, il m'a regardé avec de grands yeux tristes.

« Ça fait combien de temps ? » a-t-il demandé.

« À peu près deux mois. » ai-je répondu, ressentant un soulagement à l'idée de parler à quelqu'un qui me comprendrait.

« Doux Jesus ... » a-t-il dit en détournant les yeux. « Une minute, Docteur. »

Il s'est levé pour aller dans la cuisine, et est revenu avec un plateau. Il y avait dessus deux verres pleins de glace, et une bouteille de ce qui semblait être du whisky. J'ai ri, et pendant une seconde je me suis à nouveau senti humain. Eli a rempli mon verre, puis le sien. Nous avons bu ensemble, en silence.

« Maintenant vous comprenez pourquoi je ne peux pas rester. » ai-je dit, brisant finalement le silence.

« Je comprends Docteur. Maintenant vous devriez peut-être vous asseoir, car c'est une histoire plutôt longue. »

J'ai pris place près d'Eli et me suis préparé à entendre la vérité. Mon cœur battait à une vitesse folle.

« Ce monstre, cette... chose, s'appelle Daiala Bu Umba. »

« Daiala Bu Umba ? » ai-je demandé, trouvant étrange que ces gens ne le désignent pas par le même nom qu'Andrew et Robert.

« Oui, Daiala Bu Umba, on peut traduire ça par « Celui qui montre. »

Un frisson m'a parcouru l'échine.

« Il est dit que ce guérisseur était très puissant, et que son peuple, la tribu Binuma, était chassé à travers le désert par un clan rival. Plutôt que de les affronter loyalement sur le champ de bataille, ils ont envoyé leurs meilleurs guerriers dans le camp des Binuma la nuit pour les massacrer dans leur sommeil.

« Le guérisseur n'était pas là, il priait les dieux pour qu'ils sauvent son peuple, mais les dieux l'avaient abandonné parce qu'il avait utilisé le vaudou pour vaincre ses ennemis. Ainsi, ses prières n'ont pas été exaucées. Il est revenu au camp pour y découvrir tous les membres de sa tribu morts, y compris sa femme et son enfant. Le guérisseur, submergé par le deuil et la haine, a alors fait appel à sa sorcellerie la plus puissante pour avoir sa revanche sur le clan rival et sur les dieux qui lui avaient tourné le dos.

« Il a rassemblé tout ce qui restait après la bataille : des défenses d'éléphant, des peaux de serpent, des os d'animaux et tout ce qui pouvait avoir des propriétés notables. Il a empilé le tout avec les corps de ses compagnons et a embrasé le bûcher, répétant sans cesse une incantation en fixant les flammes, une malédiction qui frapperait le clan rival. La malédiction consistait à invoquer un esprit qui hanterait leur sommeil de la même façon qu'ils avaient tourmenté le sommeil de sa tribu. »

Eli s'est arrêté et m'a regardé.

« Vous voulez que je continue, Docteur ? »

J'ai pris une gorgée de whisky en acquiesçant solennellement.

« En l'espace de quelques jours, le clan rival a été assailli par les cauchemars, et plus aucun d'eux ne pouvait dormir. Leurs rêves étaient des cauchemars de destruction, leur clan était assailli de toutes parts par les peuples voisins ; ils voyaient leurs femmes et leurs enfants violés, réduits en esclavage, ils voyaient leurs plantations brûler et des saisons sèches sans fin. Peu de temps après, les membres du clan s'en sont pris les uns aux autres, et les survivants mirent un à un fin à leurs jours, jusqu'à qu'il ne reste personne.

« Mais quelque chose n'allait pas. Quand le sorcier a entendu que le clan était détruit, il a célébré sa victoire, mais il continuait d'entendre des plaintes de gens affectés par Celui qui montre. Il a réalisé que la bête qu'il avait invoquée ne pouvait pas être arrêtée, car elle avait un appétit pour le désespoir qui ne pouvait être rassasié. Un par un, les gens étaient frappés par l'esprit, et quand ils mouraient, la malédiction passait à une autre personne, laquelle à son tour transmettait le sort, et ainsi de suite. »

Il a arrêté de parler.

« Et donc ? Ils ont pu l'arrêter ? »

« Le texte ne le dit pas », a dit tristement Eli. « Il est dit que les tribus ont commencé à exiler tous ceux affectés par l'esprit meurtrier, car il était impossible à combattre. Ainsi, ils laissaient l'esprit se propager dans une autre tribu. »

J'ai eu un haut-le-coeur. Il n'y avait pas d'échappatoire. J'allais devoir faire avec Ubloo aussi longtemps que je vivrais... Ou aussi courtement, plutôt. Je comprenais maintenant pourquoi Andrew et Robert s'étaient suicidés.

Les larmes me montaient aux yeux, et Eli m'a servi un autre verre de whisky.

« Je comprendrai si vous souhaitez partir, Docteur. Je vais continuer de traduire et je vous appellerai si je trouve quelque chose qui pourrait vous aider. »

J'ai bu le whisky d'une traite avant d'essuyer mes larmes sur ma manche.

« Merci Eli », me suis-je forcé à dire. « Appelez-moi et je viendrai. »

Je me suis levé avant qu'il ne puisse m'arrêter et me suis dirigé vers la porte d'entrée. Je n'avais pas encore atteint ma voiture qu'Eli était déjà devant la porte d'entrée, et m'appelait.

« Docteur ! Si ça ne vous dérange pas, est-ce je peux vous demander où vous allez ? » a-t-il crié, la tristesse dans sa voix faisant comme suspendre la question dans l'air.

« Poursuivre les traces de pas d'un homme mort », ai-je répondu. « Qui mènent quelque part en Louisiane. »

Eli m'a regardé droit dans les yeux, et il s'est mis à pleurer.

« Je ne vous souhaite que le meilleur Docteur. Je ne peux pas imaginer les choses que vous avez vues et je ne prétends pas le pouvoir, mais que Dieu vous bénisse dans votre lutte. »

J'ai hoché la tête et ouvert la porte de ma voiture, mais avant de monter, je me suis tourné vers Eli.

« Daiala Bu Umba » ai-je dit en riant nerveusement. « C'est un bien meilleur nom que celui que je lui ai trouvé. »

« Comment l'appelez-vous, Docteur ? »

Je me suis alors rendu compte d'à quel point ce nom était ridicule.

« Ubloo. » ai-je dit avec un léger sourire.

« Ubloo ? » Eli me regardait avec un air confus.

« Oui, c'est ce qu'il me dit à chaque fois qu'un rêve se termine. » J'hésitais. « Ça veut dire quelque chose ? »

Eli me fixait avec un regard que je n’oublierai jamais, un regard que je sais qu'il ne donnera jamais plus à aucun homme , et il  a dit :

« Oui Docteur. Ubloo est un raccourci pour « Ubua Loo. » »

Le vent a soufflé doucement, faisant danser l'herbe dans la lumière du coucher du soleil, pendant que j'attendais les mots qui seraient probablement les derniers que j'entendrais de lui.

« Ça veut dire réveille-toi. »




Traduction : Mhyn, inShane

Texte original ici

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